La « blessure invisible » : la gestion des commotions cérébrales et le rôle de la physiothérapie
Souffrir en silence
Une commotion est une « blessure invisible » que les autres peuvent difficilement voir ou sentir. Aucun « plâtre ou attelle » n’indique une blessure physique; or celle-ci vous définit.
Voici comment « Sarah » a décrit comment elle s’était sentie la première fois où elle est entrée dans mon bureau. Elle était une athlète nationale et s’était blessée un an auparavant. Les gens faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour elle. Cependant, elle ne s’était jamais sentie aussi seule.
Je travaille avec une équipe interdisciplinaire dirigée par des médecins qui se concentre sur le traitement des commotions. Nous sommes un groupe de professionnels dévoués qui pratiquent en collaboration pour diagnostiquer et gérer les commotions cérébrales liées au sport et à l’exercice. En clinique, nous verrons des patients blessés gravement, de même que d’autres qui ont souffert de symptômes persistants pendant des mois et parfois même des années. Pour nous, l’histoire de Sarah n’est pas unique.
Plusieurs patients partagent leur histoire et leur frustration devant un diagnostic tardif de commotion et un traitement médical en temps voulu. Ils partagent aussi la difficulté d’être mis en contact avec les bons praticiens qui ont de l’expérience dans le domaine de la gestion des commotions cérébrales.
Ils souffrent en privé, continuant à chercher le prochain nouveau traitement ou praticien qui pourrait les aider à se rétablir, espérant peut-être aller mieux un jour.
Athlètes d’élite
La LNH, la LNF et la LMB prennent des mesures pour s’assurer que leurs athlètes reçoivent les meilleurs soins possible. Ces organisations ont rapidement accès à des services de spécialistes et de réadaptation et ils ont les protocoles et les lignes directrices de la ligue.
Cependant, lorsque nous pensons à qui d’autre subit des commotions cérébrales, les questions suivantes nous viennent à l’esprit :
1. Qui s’occupe de nos athlètes-étudiants, de nos adultes et de nos personnes pratiquant des loisirs et qui subissent aussi des commotions?
2. En tant que physiothérapeutes, comment pouvons-nous offrir les meilleurs soins à cette population et travailler dans notre champ de pratique?
3. Quelles lignes directrices devrions-nous suivre?
4. Y a-t-il une norme des soins pour les physiothérapeutes?
5. Que pouvons-nous faire pour que « Sarah » ne se sente pas seule dans ce processus?
Le débat sur les commotions cérébrales
Selon Lésion cérébrale Canada, 160 000 Canadiens subissent une lésion cérébrale chaque année [1]. Plusieurs ne signalent pas leurs véritables symptômes par peur d’être mal compris ou jugés. La littérature suggère que plus de 30 % des patients souffrant de commotion cérébrale souffrent de symptômes qui persistent plus que quatre semaines [2].
Cette statistique nous amène à nous demander : En tant que physiothérapeutes, quel est notre rôle dans la gestion des commotions cérébrales et comment pouvons-nous définir les compétences liées à la pratique?
On appelle souvent le traitement des commotions « le Far West ». Sans norme des soins établie, les fournisseurs de soins de santé et le public ne savent pas exactement quand les gens devraient consulter, quel type de soins est requis et qui devrait administrer un tel traitement.
Le gouvernement a répondu et prend des mesures pour proposer une loi :
La loi Rowan
Rowan Stringer n’avait que 17 ans lorsqu’elle est décédée à la suite d’un deuxième traumatisme crânien en moins d’une semaine. En réponse à la mort de cette athlète ottavienne et avec la sensibilisation et le soutien solides de sa famille, le gouvernement ontarien adopte une nouvelle loi appelée « la loi Rowan » pour aider les patients à aller chercher ce dont ils ont besoin pour « surmonter » une commotion cérébrale. La loi préconise et prescrit une autorisation médicale, l’éducation aux commotions et le retrait immédiat du jeu lorsque l’on craint une commotion cérébrale.
Ce projet de loi ontarien présente une position forte sur le traitement des commotions cérébrales et d’autres provinces comme le Manitoba prennent aussi des mesures essentielles pour mettre en place une loi. Cependant, la loi Rowan a ses limites. Ce projet de loi ne couvre pas les sports communautaires ou la population en général et ne définit pas de lignes directrices pour les praticiens sur la façon de gérer les soins.
Pour combler certaines lacunes, la Fondation ontarienne de neurotraumatologie (FON) a entrepris des recherches en 2016 pour les cliniciens et les professionnels dans le domaine pour mettre en œuvre ses propres lignes directrices pour celles qui ne s’appliquent pas aux enfants d’âge scolaire.
Lignes directrices de la Fondation ontarienne de neurotraumatologie : une approche provinciale
Avec l’aide de 65 fournisseurs de soins pour les commotions cérébrales, la FON a créé des lignes directrices pour aider les bons fournisseurs à offrir les bons soins, au moment voulu aux patients. J’étais ravie de prendre part à ces discussions. Le document décrit les soins et les services optimaux pour traiter les commotions cérébrales et vise à autonomiser les patients grâce à de l’information sur ce à quoi ils devraient s’attendre et ce qu’ils devraient recevoir de leurs programmes de gestion des commotions cérébrales.
Comment cela se traduit-il dans notre pratique de la physiothérapie?
La FON décrit le terme « clinique de traitement des commotions cérébrales » comme une équipe de gestion des soins de santé de soins interdisciplinaires (minimum de trois fournisseurs de soins de santé de domaines différents) qui existe dans un même endroit (ou dans un réseau dense qui est accessible). Lorsqu’une personne a besoin de soins dans une clinique de traitement des commotions cérébrales, un médecin avec de l’expérience dans le traitement des commotions fournit le diagnostic et dirige le traitement avec une équipe multidisciplinaire de fournisseurs de soins de santé, où chaque membre a de l’expérience en lésion cérébrale.
La FON déclare que :
● Chaque patient doit avoir un diagnostic (posé par un médecin, une infirmière, une infirmière praticienne ou un neuropsychologue);
● Chaque clinique doit avoir accès à un médecin (avec de l’expérience en gestion des commotions cérébrales);
● Chaque patient devrait avoir accès à : une évaluation, de l’éducation et des thérapies/interventions;
● Chaque praticien impliqué dans la gestion devrait être réglementé par son organisme de réglementation professionnelle en santé, avoir une connaissance suffisante des traumatismes crâniens, de l’expérience en gestion des commotions cérébrales et des pratiques dans son champ de pratique défini.
Concussions Ontario présente une liste des 15 normes, de même que les outils et les ressources connexes.
Lignes directrices nationales
Bien que l’approche provinciale ait souligné la nécessité d’avoir des ressources pour les commotions cérébrales et ait fourni des précisions sur les normes requises pour les cliniques de traitement des commotions cérébrales et le rôle des praticiens impliqués dans le traitement des commotions cérébrales en Ontario, il y avait toujours un besoin criant que les gouvernements provincial et fédéral collaborent à l’élaboration et à la mise en œuvre de lignes directrices nationales. Le gouvernement fédéral et l’Agence de la santé publique du Canada ont instauré la création d’un sous-comité d’experts en commotions cérébrales par l’entremise de Parachute Canada, un organisme de bienfaisance à but non lucratif et une organisation nationale de prévention des blessures, pour élaborer des lignes directrices nationales pour le traitement des commotions cérébrales dans le sport.
Parachute Canada était au cœur de cette initiative et avec la collaboration de 54 organisations sportives nationales, de spécialistes médicaux, de cliniciens et de chercheurs l’organisation a formulé les recommandations suivantes :
Les Lignes directrices canadiennes sur les commotions cérébrales dans le sport visent à sensibiliser les athlètes des établissements d’enseignement et les activités sportives organisées à l’extérieur de ceux-ci (y compris : les athlètes, les entraîneurs, les parents, les officiels, les enseignants, les formateurs et les professionnels des soins de santé).
Les lignes directrices abordent sept domaines-clés :
1. L’éducation d’avant-saison : information sur la pathophysiologie
2. La reconnaissance des traumatismes crâniens : tous les membres devraient savoir comment reconnaître une commotion cérébrale, et ce, peu importe leur rôle
3. L’évaluation médicale sur place : urgence / évaluation médicale extérieure (thérapeute en sport, physiothérapeute (PT), médecin (M.D.)
4. Évaluation médicale : diagnostic officiel (M.D., IP)
5. Gestion des commotions cérébrales : une équipe de praticiens multidisciplinaires spécialisés dans les étapes du retour à l’apprentissage ou du retour au jeu
6. Traitement multidisciplinaire des commotions cérébrales : praticiens autorisés réglementaires
7. Retour au sport : prescrit par le M.D. ou l’IP sur la base des recommandations de praticiens autorisés
Les lignes directrices sont basées sur la déclaration internationale faite à Berlin en octobre 2016 et qui proposait un guide mondial pour la gestion des commotions cérébrales permettant aux praticiens de jouer un rôle de soutien dans le rétablissement.
Ces lignes directrices nous informent de :
1. Un repos prolongé n’est pas nécessaire! Nous devons éduquer nos patients
2. Un retour graduel aux activités cognitives : réintégrer lentement nos étudiants
3. Progrès du rétablissement guidé à travers les symptômes déclarés. Réévaluer continuellement les patients ayant subi une commotion cérébrale; ne pas exacerber les symptômes
4. Les évaluations de base ne sont pas nécessaires; tenant compte des preuves disponibles, elles ne sont pas recommandées en clinique pour les adolescents et les enfants
5. La réévaluation est la clé; des plans de traitement individualisés adaptés aux patients sont essentiels pour le rétablissement.
En tant que physiothérapeutes, comment assurons-nous la transition de notre rôle dans les membres de l’équipe de gestion des commotions cérébrales?
Qu’est-ce que cela signifie pour les physiothérapeutes qui travaillent avec des athlètes et des patients en clinique? Comment pouvons-nous pratiquer dans notre champ de pratique et offrir des soins de grande qualité?
Nous avons tous des expertises diverses, nous pratiquons dans nos propres « spécialités ». Cependant, nous pouvons transférer nos connaissances pédagogiques et notre pratique clinique dans les domaines suivants de la gestion des commotions cérébrales :
● Physique (migraines/maux de tête);
● Vertiges et troubles de l’équilibre (rééducation vestibulaire);
● Changement de la vision (dysfonctionnement du nerf moteur oculaire);
● Acouphène/ déficiences auditives;
● Comorbidités orthopédiques;
● Dysfonctionnement du rachis cervical;
● Retour à l’apprentissage / au jeu / au travail.
Qu’allons-nous faire maintenant?
Le message clé des lignes directrices et des protocoles provinciaux/nationaux/internationaux est de protéger le patient, d’appliquer les évaluations médicales essentielles et de suivre constamment la symptomatologie.
En tant que thérapeutes, nous avons la chance d’avoir une compréhension neurologique, physiologique et orthopédique, ce qui nous permet de gérer ces patients dans un environnement contrôlé.
Nous sommes un groupe de professionnels ayant suivi de hautes études et pouvons pratiquer aux premières lignes du traitement des commotions cérébrales, si nous nous spécialisons et adoptons nos traitements aux recommandations des lignes directrices et des protocoles.
Si nous réussissons à comprendre nos limites et mettre l’accent sur nos points forts, nous pouvons tous apporter une contribution importante à l’ensemble des preuves sur les commotions cérébrales et accélérer le rétablissement basé sur la pratique.
Peut-être pouvons-nous être le lien manquant que « Sarah » cherche depuis longtemps et que nos stratégies d’intervention peuvent lui permettre de se sentir et de se comporter comme l’athlète qu’elle mérite d’être.
Pour plus d’information sur la gestion des commotions cérébrales et sur les stratégies, veuillez visiter les documents téléchargeables.
auteur
Carolyn est une fière physiothérapeute à Concussion North, une clinique multidisciplinaire pour le traitement des commotions cérébrales à Barrie, en Ontario. Elle a adapté sa formation sur des cours vestibulaires et vestibulaires avancés axés sur le dysfonctionnement neurologique central. Elle était aussi fière de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des lignes directrices de la FON.
Elle tient son éducation à jour en faisant des études supérieures à l’Université McMaster en science de la réadaptation.
Suivez Carolyn sur Twitter à @care_glatt ou @concussionnorth
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Les physiothérapeutes sont des professionnels des soins de santé primaires qui conjuguent leurs connaissances approfondies du corps et de son fonctionnement à des compétences cliniques pratiques spécialisées pour évaluer, diagnostiquer et traiter des symptômes de maladie, des blessures ou une incapacité.
Plus de 20 000 physiothérapeutes agréés travaillent au Canada, dans des cliniques privées et des hôpitaux généraux et de réadaptation, des centres de santé communautaires, des établissements de soins aux bénéficiaires internes et des résidences-services, des agences de visite à domicile, des milieux de travail et des écoles.